
Quand on observe nos amis – ou nous-mêmes – au cours d’une discussion animée, on remarque vite que personne ne sait bien écouter.
Observation banale en soi, mais qui devient symptôme grave lorsque notre objectif est de changer la relation. Comment changer une relation si nous ne savons même pas comment la décrire ; comment faire changer l’autre d’avis, si nous ne savons pas exactement ce qu’il pense ? Et, c’est pourtant ce que nous essayons souvent de faire. C’est un travail à l’aveugle.
Que peut signifier écouter l’autre ? Certaines méthodes insistent particulièrement sur l’écoute active, ou l’écoute empathique. Tout dépend du but que nous poursuivons. S’il s’agit de mieux connaître l’autre, afin de recueillir les éléments nécessaires à son changement, l’écoute doit être tout simplement attentive. Par là, nous entendons une écoute fidèle qui nous permettra de noter mentalement les mots exacts prononcés par nos partenaires, leurs tics de langage, leurs façons de raisonner, leurs programmations verbales et non verbales. En fait, ce n’est pas écouter qui compte le plus, mais mémoriser ce que l’autre dit, et plus encore, être capable d’en analyser les points importants pour l’action et l’objectif qui est le nôtre.
Il ne s’agit pas d’un travail d’amateur, et il faut beaucoup d’entraînement avant d’entendre exactement ce que nous disent les autres, et non plus ce que nous croyons avoir entendu.
Tout savoir-faire portant sur une relation est celui d’une interface : on peut l’examiner des deux côtés du miroir, par rapport à soi ou par rapport à l’autre. Ainsi, savoir écouter l’autre, c’est en même temps savoir contrôler ses silences. Apprendre à relever exactement ce que dit et fait l’autre, c’est en même temps apprendre à se taire. Deux savoir-faire sont ainsi réunis au sein de la même action.
Mais notre culture ne sait pas pratiquer le silence. Des spécialistes de l’interaction verbale, en particulier Catherine Kerbrat – Orecchioni (voir la bibliographie), ont noté que le temps moyen de silence d’un Français dans une conversation était de trois secondes. Ce qui signifie qu’à partir de la quatrième seconde de silence, nous sommes perçus et nous nous percevons parfois aussi, comme quelqu’un de taciturne. Or, celui qui se tait ressent et propage comme une gêne, que chacun s’empresse de gommer… en prenant la parole. Cultivons notre silence en le faisant durer deux secondes de plus que le silence supportable, et communément admis dans notre société.
Le bénéfice immédiat du silence, outre le fait qu’il pousse l’autre à parler pour combler le vide et dissiper sa gêne, est de renforcer notre calme. Deux savoir-faire qui conduisent à deux avantages.
Faisons parler autrui, donnons-lui l’impression d’être passionnés par ce qu’il dit et de l’approuver entièrement ; il se dévoilera au maximum. Il suffira, de temps à autre, de le relancer, par des mimiques ou des reformulations appropriées, et il continuera son discours. En bout de course, nous apprendrons beaucoup sur lui, pendant qu’il n’apprendra rien sur nous, et nous ferons coup double en cultivant en même temps le calme et la sérénité nécessaire à toute opération de changement et de résolution de problème.
Mais, il faut aussi entraîner notre mémoire : il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais aussi de retenir les mots, les tournures de phrases, les expressions répétitives..