La vente dialoguée et la nouvelle communication
Nous le savons : tous les produits que nous vendons présentent des courbes de ventes au fil du temps en forme de cloche. Le produit grimpe au départ avec une pente ascendante plus ou moins rapide selon que la communication a été plus ou moins performante, puis, quoi qu’on fasse il plafonne, et en l’absence de vraie nouveauté (un nouveau modèle, une réussite éclatante dont on peut faire la publicité…) il dégringole plus ou moins lentement, et de façon inégale selon les régions, et surtout selon les secteurs des commerciaux.
C’est la vie normale des produits et des virus, mais c’est aussi l’histoire de notre vie à tous.
En fait, la phase de plateau, arrive plus ou moins rapidement, et se situe plus ou moins haut selon la pente du lancement. D’où l’importance capitale de la communication de lancement car c’est elle qui détermine la hauteur du plafonnement.
De plus, il faut savoir qu’une fois lancé et connu d’un client, la communication de l’entreprise sur le produit perd de sa force d’impact, car à ce moment-là le client a eu le temps de se forger son propre avis.
Et si celui-ci est très différent de l’argumentaire du vendeur, la communication échoue à la fois sur le contenu (le client ne croit pas, n’écoute pas…) et sur le plan de la relation (le client se dit du vendeur : encore quelqu’un qui vient me pousser à acheter)
Il importe donc de ne pas rater son lancement car, après une grande partie des résultats de vente échappe à toute influence des ventes. C’est la norme. Mais cela peut varier : on a vu en effet des produits stagner pendant un temps assez long, puis tranquillement monter lentement de mois en mois pour atteindre des sommets. J’ai même travaillé pour un médicament qui a attendu 15 ans avant de décoller dans ses ventes, à la faveur d’un changement radical de méthodes.
Ce qui nous importe ici est de montrer que :
Chaque époque de la vie d’un produit demande un type de communication différent
Communiquer de façon erronée en se trompant d’étape, est dommageable pour le produit et pour la confiance accordée au vendeur. Par exemple utiliser une communication de type lancement devant une personne qui est déjà utilisatrice de ce produit sera presque automatiquement une mauvaise communication.
Combien de temps dure un lancement ?
Pour nous, dans la méthode dialoguée, cette question n’a aucun sens.
Car nous travaillons toujours au niveau individuel, et donc, nous savons que les trois étapes d’un produit se produisent à des époques différentes selon les personnes. Pendant une période assez longue, trois types de clients coexistent :
* ceux qui ne connaissent pas encore le produit, je veux dire qui ne l’ont pas encore essayé
* ceux qui l’ont déjà acheté et essayé, et qui en ont une première opinion
* ceux qui le connaissent bien (ou qui le croient) et en ont une idée fixée dans l’esprit, parfois positive et tout est parfait, parfois négative, et il sera très difficile de les faire changer d’avis.
En vente classique, on ne connaît pas les clients individuellement, je veux dire on ne les connait pas en ce qui concerne leur position d’acheteurs. Notons quand même que nous observons que les meilleurs vendeurs sont ceux qui connaissent le mieux leurs clients un à un.
Voyons maintenant de plus près les différences entre la vente classique et la vente dialoguée.
Voici un premier schéma avec les deux formes de vente, créé pour le PDG d’un laboratoire pharmaceutique qui voulait présenter la méthode à tous ses collaborateurs.
Bien sûr ce schéma comme son nom l’indique est un peu schématique et caricatural.
On voit tout de suite que nous ne sommes pas dans la même histoire.
Regardons cela dans le détail en reprenant le schéma plus complet de la communication classique ou linéaire d’abord, au cours de laquelle nous pouvons séparer le vendeur (ou émetteur du message) et le client (ou récepteur du message). Certes, beaucoup de bons vendeurs ne pratiquent plus ce genre de message car ils ont compris, même intuitivement, que ce n’était pas la bonne façon de vendre. En effet, on ne peut vendre uniquement par le monologue, et comme le vendeur comme l’acheteur sont tous deux des humains, et que, quand deux humains sont en présence il y a toujours une relation.
Rappelons ici que notre fil conducteur est l’axiome de l’Ecole de Palo Alto selon lequel toute communication se possèdent deux faces : le contenu (ce qu’on dit ce qu’on fait, de quoi on parle) et la relation (ce qui se passe entre les humains en présence).
En fait le mot ‘face’ n’est pas le meilleur pour exprimer cette analyse, il faudrait plutôt un schéma dans lequel le contenu serait à l’intérieur de la relation. Ces deux éléments ne sont pas au même niveau, ne sont pas de même nature.
Et on a vu dans les études qualitatives qu’il n’est pas bon d’amalgamer le contenu et la relation, et que l’analyse relationnelle est infiniment plus complexe et plus difficile à objectiver que l’analyse du contenu (dite aussi analyse sémantique).
Comparons maintenant le schéma classique, repris de la conception de Shannon et Weaver et le schéma cyclique adopté depuis l’invention de la cybernétique et de la systémique.
Dans le schéma classique nous avons un émetteur et un récepteur, le commercial et son client conçus comme séparés. Le rôle du commercial est de faire passer un message à son client (qui n’a jamais entendu cette expression ?), le message prétendument vendeur et susceptible de modifier le comportement du client et de le faire acheter.
Ce schéma nous fait dire que lorsque deux personnes sont face à face, ils ne sont pas 2 mais 5, et ça fait du monde à la maison !
En effet, il y a :
– celui qui parle (E)
– celui qui écoute (R)
– ce qui est dit par celui qui parle (M)
– ce que celui qui écoute a compris et mémorisé (M’)
– ce que celui qui a écouté va faire de ce message (Achat ou Non-Achat)
La réalité est encore plus complexe mais on en reste là pour l’instant.
La faiblesse de ce schéma est évoquée ci-dessus par la grande déperdition du message émis lorsqu’il dépasse une certaine longueur (M’ < M), ce qui est le cas dans beaucoup trop d’argumentaires de lancement.
Mais le pire n’est pas là. Regardons les interprétations des communicants. Le Message émis M qui est le seul élément objectif de la chaine car on peut l’enregistrer ou le filmer, le seul incontestable, et bien, en fait, il n’existe pas sur le plan de la communication puisqu’il n’est pas présent dans les esprits des participants. Il est toujours plus ou moins interprété. Pour le client, le message M devient M’ et ce M’ reste presque toujours inconnu de l’émetteur…du vendeur.
Si le vendeur, ressent le besoin de mieux connaître son client la seule chose qu’il doit faire c’est… dialoguer avec lui.
C’est ainsi qu’on glisse vers notre sujet : la vente dialoguée et son efficacité.
Toutefois ce genre de schéma a permis de beaux succès commerciaux car c’est encore le schéma le plus efficace au tout début d’un lancement de produit nouveau. Efficace à une condition : que l’argumentaire de départ ait été construit en respectant le langage du client et à partir de lui, auquel on a ajouté les caractéristiques propres au produit. La ‘greffe’ sémantique prend toujours très bien si on plaque le discours de l’entreprise sur le langage du client. Ainsi la redondance est respectée, et le client tout en appréciant la nouveauté de notre produit, est rassuré de reconnaître son propre langage dans la présentation.
Cet argumentaire de départ doit être court, très court (1 minute suffit) et doit être poursuivi par des échanges de type réponses aux questions du client. En effet, si l’argumentaire dure des longues minutes, le client n’aura pas de questions à poser au vendeur, sinon de savoir quand ce discours finira !
Le schéma de la vente n’est pas dialogué mais il n’est pas difficile de comprendre qu’au lancement d’un nouveau produit ou service, le client ne connait rien à ce produit, et donc ce qu’il va mémoriser dépend quasi uniquement des propos du vendeur.
On a alors la formule suivante :
M’ = f (M)
C’est le seul moment où l’entreprise à tout pouvoir d’influencer son client.
De plus avec un argumentaire court, le vendeur ne dit pas tout sur son produit et n’aura pas de difficulté à amener son interlocuteur à poser des questions complémentaires.
En effet, nous avons testé maintes fois que plus un discours de lancement est long, moins le vendeur aura de questions du client : or, plus le client pose de questions plus il mémorise l’intérêt du produit car :
On mémorise au moins 5 fois plus ce dont on parle que ce qu’on écoute !
Donc dans un premier temps, la vente monologuée est parfaitement justifiée.
Mais, dans un deuxième temps (et ce temps arrive à des moments différents d’un client à l’autre), le client a déjà une opinion sur le produit, et ce que nous allons lui dire aura moins d’importance que sa propre opinion. C’est le moment le plus délicat pour les vendeurs. C’est là qu’ils font le plus d’erreur de communication.
Car la formule n’est plus : M’ = f (M) mais :
M’ = f (M, r)
La mémorisation, ce qui est dans l’esprit du client, est un mixage entre le message émis par le vendeur ET l’opinion déjà présente dans l’esprit du client.
Que s’est-il passé en réalité dans le cerveau du client et cela qu’il ait essayé produit ou non ? Il a fait ce que nous faisons tous, tout le temps ou pour tous les sujets…
Il a interprété ce qu’on lui a dit
Or, faute d’avoir dialogué avec lui, nous sommes dans l’ignorance de la façon sont ce client-ci a interprété et quelle est son opinion et sa position par rapport à mon produit.
A ce ment-là, si le vendeur reprend son argumentation, il tombe dans ce qu’on appelle :
Une communication à l’aveugle. A ce ment-à ce que dira le vendeur peut convenir au client mais plus probable tombera çà côté de ce qu’il pense déjà du produit.
En fait, nous sommes catégoriques et sûrs de nous : continuer à présenter son produit sans savoir où l’interlocuteur en est, est une faute grave et irrattrapable. Car elle classe définitivement le pauvre vendeur dans la catégorie des marchands de soupe.
Et quand la relation s’effrite, la communication ne peut plus fonctionner efficacement.
C’est ainsi que fonctionnent encore la plupart des réseaux de vente dans les entreprises : le vendeur vient proposer un produit avec les arguments de l’entreprise, et se casse le nez chaque fois que ces arguments ne correspondent pas à ceux du prospect. C’est ici que nous aimons à dire que l’on ne convainc jamais que les déjà convaincus !
Voici ce qu’il ne faut pas faire et voici comment l’AR va remédier à cette faiblesse et nous apprendre à faire parler les autres pour bien les connaître.
Dans une entreprise où nous avions formé tous les vendeurs, on leur a demandé de poser une question simple à tous leurs contacts clients : « Vous avez remarqué comment nous travaillons maintenant… (Silence pour attendre la réaction). Alors dites-moi : souhaitez-vous revenir à des entretiens comme avant ou que nous gardions cette nouvelle façon de faire ? ». La nouvelle façon de faire a été plébiscitée par 88 % des personnes interrogées !
Avant de montrer le schéma de la vente dialoguée, arrêtons-nous un instant sur le recodage, et montrons comment fonctionne le processus d’interprétation.
Au passage, nous allons en profiter pour casser le mythe selon lequel : plus un message émis par une entreprise est bien mémorisé, mieux cela vaut.
Nous allons montrer qu’un message efficace n’est jamais mémorisé parfaitement (à moins qu’il ne soit très court) car il est toujours interprété. Il y a de grandes différences entre ce qui l’on dit et ce que l’autre retient. Tout message est transformé et même plusieurs fois. En effet il faut ajouter une autre transformation du message entre ce qui a été mémorisé et ce qui a été compris, et encore un autre entre ce qui a été compris et ce qui a été admis. On comprend que les voies par lesquelles passent les messages ont tôt fait de rendre improbable l’atteinte de notre objectif : vendre quelque chose au client.
Voyons le schéma de l’interprétation.
C’est le schéma montrant le rôle joué par notre boite noire qu’est notre cerveau au moment où il entend un message. On voit ici que le message M qui a été prononcé, la partie soi-disant la plus objective de la chaine de communication, est décomposé par le récepteur en trois groupes d’éléments : ceux qui sont mémorisés, ceux qui sont oubliés (en fait non entendus) et ceux qui sont imaginés, entendus mais pas émis !
Donc, une grande partie de ce que je retiens provient de mon propre cerveau, en fait je retiens ce que je crois avoir entendu. C’est le fameux M’.
La tentation est forte de penser : il faut corriger cela car ce n’est pas ce que j’ai dit. Surtout pas ! Mais pourquoi mon interlocuteur n’a-t-il pas compris ce que j’ai dit ? Parce que son cerveau, sa boite noire n’est pas vide, et que mon message est allé heurter en lui ce qu’il pensait déjà, ce qu’il savait du sujet traité, et que le choc a changé ce que j’ai dit réellement dans sa mémoire.
Est-ce toujours vrai ? Non, on a déjà vu que les messages très courts (une phrase de quelques mots), est en général parfaitement mémorisée. Mais, plus la phrase s’allonge, plus elle sera transformée. Sauf encore dans un cas précis : si le sujet n’intéresse pas du tout mon partenaire, il ne se sent pas concerné, il ne connaît rien au sujet dont le parle… alors sa mémoire est plus fidèle. Car s’il connait ce dont je lui parle, sa boite noire n’est pas vide et le message ne peut pas la traverser sans heurter ce qu’elle contient déjà.
C’est pour ça que ceux qui pensent qu’un message parfaitement mémorisé à plus de chances de faire vendre se trompent très souvent. Même si parfois, ils ont raison !
(La suite de ce texte évoque comment se comportent les vendeurs pratiquant la vente dialoguée)