Les règles du jeu de cartes

C’est un travers très fréquent des humains de vouloir à tout prix que les autres partagent nos idées. Il nous est toujours plus ou moins difficile de tolérer les différences d’opinions, de croyances et de comportements.
L’idée que tout irait mieux si tout le monde pensait, et faisait la même chose est plus ou moins présente dans nos esprits pseudo-rationnels ; nous pensons même que la Paix éternelle serait à ce prix. Rien n’est moins sûr.
Milton Erickson disait qu’une des principales sources de conflits dans notre vie est de vouloir que l’autre soit différent, c’est-à-dire qu’il nous ressemble.
C’est pourquoi quand nous regardons autour de nous, quand nous écoutons les conversations dans la rue, au café, dans le bus, au bureau et à la maison, nous observons qu’une partie non négligeable de notre temps de vie est consacré à ces efforts, vains la plupart du temps, de convaincre autrui du bien-fondé de nos opinions, croyances et comportements.
Nous admettons volontiers, de façon intellectuelle et froide, que les différences constituent la richesse d’une société, mais ne l’admettons guère dans nos maisons.
C’est probablement une des grandes manies de nos sociétés occidentales, et c’est aussi une source de conflits multiples et sans fin. Il est très difficile de s’entendre avec les autres, surtout s’ils ont l’outrecuidance de vouloir être différents et de nous tenir tête.
Une approche naïve
Alors, que faisons-nous pour éliminer ce que nous ressentons comme un problème à résoudre ? Nous avons une approche naïve : nous demandons à l’autre de changer. Fichtre ! Mais quelle raison aurait l’autre de changer, uniquement parce qu’on le lui demande ? Chacun de nous s’est construit au cours des années, une personnalité unique, justifiée semble-t-il par nos expériences toujours singulières. L’ensemble de nos croyances et opinions (ce que nous pensons), de nos comportements (ce que nous faisons) et de notre langage (comment nous en parlons) est ressenti comme un ensemble cohérent, qui nous appartient en propre. Et chaque élément de cet ensemble se voit renforcé et justifié par la présence des autres ; cela fait bloc, et cela semble immuable.
Les différents étages de ce qui constitue ce qu’on appelle habituellement notre personnalité, se renforcent mutuellement. Par exemple, nous nous lavons tous les jours parce que nous croyons à l’importance de l’hygiène et nous croyons cela parce que nous nous lavons tous les jours et notre façon d’en parler renforce le lien entre croyance et comportement, chaque jour un peu plus.
Comment déplacer un mur sans se faire mal et sans le détruire ? Nous avons souvent la croyance naïve qu’il suffit de demander un changement pour l’obtenir. Cela se saurait.
Nous savons qu’il existe trois façons d’obtenir quelque chose d’autrui :
1. Le lui demander. Cela fonctionne si la demande est anodine et ne trouble pas le mur de la personnalité de l’autre et si cela entre dans la définition du rôle de l’autre, tel qu’il l’a accepté. Le patron obtient de sa secrétaire qu’elle aille chercher un dossier car cela entre dans ses fonctions,
2. Argumenter. Si demander ne suffit pas, et que l’autre n’a pas de raison spontanée de faire ce qu’on lui demande, alors on argumente : on explique pourquoi on veut que l’autre aille chercher le pain, ou achète notre produit…etc. L’argumentation nous vient spontanément car elle est dans notre culture. Il arrive que ça marche mais il arrive plus souvent que cela ne marche pas car on argumente avec NOS arguments, sans vérifier que l’autre accepte le bien-fondé de ces arguments. Si l’on ne tient pas compte de l’autre, de sa propre logique et de sa structure de pensée, nos arguments tombent à plat et deviennent des contre-arguments. Alors que nous reste-t-il comme solution ?
3. Utiliser des stratagèmes, ce qui revient à dire que pour obtenir ce que nous voulons, nous allons commencer par ne pas le demander ! Etonnant ! Mais, c’est de la manipulation ? Evacuons ce problème qui n’en est plus pour nous depuis longtemps. Oui, cela peut s’appeler de la manipulation, mais c’est ce que nous faisons tous pour obtenir ce que l’autre s’entête à ne pas vouloir nous donner. Il est clair, ne nous voilons pas la face, que Polémios, est une technique pour apprendre à manipuler en jouant. Et pourtant ça marche pourrait-on dire en paraphrasant l’autre.
C’est une approche quasi scientifique pour obtenir que l’autre change : change d’avis, change de croyance ou change ses comportements.